Tradition du sapin de Noël
Nous y sommes : le sapin de Noël, le symbole de cette fête, a été installé place Kléber à Strasbourg ! Traditionnellement, l’installation de ce grand sapin (une trentaine de mètres de hauteur) marque le début des manifestations de Noël en Alsace.
Pouvait-il en être autrement dans la région qui a vu naître cette tradition ?
Une tradition vient de loin : les Romains, au moment du solstice d’hiver et jusqu’après le 1er janvier, décoraient leurs maisons de branches vertes en l’honneur du dieu Janus. Comme beaucoup de traditions païennes, celle-ci sera récupérée par la chrétienté et dès le début du XVIe siècle, les branches seront remplacées par de vrais arbres, d’abord suspendus à la poutre maîtresse, puis posés sur le sol. Et là, au pied des Vosges, le sapin s’imposait.
Parmi les “Mystères“, ces scènes religieuses présentées sur le parvis des églises, le “Mystère du Paradis“ était l’un des plus populaires : on y voyait un arbre garni de pommes rouges. Ces pommes étaient les premiers éléments de décoration du sapin avec les “oublies“, des hosties non consacrées. Vers la fin du XVIe siècle, la coutume des cadeaux de la Saint Nicolas s’est petit à petit décalée au 24 décembre. Le sapin de Noël devient naturellement le centre de la fête : c’est à son pied que les cadeaux sont déposés. Sous l’influence de la communauté protestante, la décoration du sapin évolue. En référence à un verset d’Isaïe où il est question du “rameau fleuri de Jessé“, des fleurs multicolores s’ajoutent aux pommes et aux oublies. Au fil des ans, la référence chrétienne s’estompe. Les pommes sont parfois remplacées par des friandises rondes, les oublies deviennent des bredele (gâteaux secs alsaciens), des pains d’épices… Les formes de ces douceurs sont de plus en plus diversifiées. La garniture du sapin s’adresse désormais au monde enfantin.
C’est à Sélestat, au centre de la région, qu’est conservée la plus ancienne mention connue au monde, à ce jour, d’un sapin de Noël. Un livre de comptes, conservé à la Bibliothèque Humaniste de la ville, nous apprend que 4 schillings ont été payés aux gardes chargés de surveiller les “meyen“ de la forêt communale. En alémanique ancien, le mot “meyen“ désigne clairement un arbre festif que l’on décore en signe de dévotion à l’éternel renouveau de la nature. Cette note est datée du 21 décembre 1521. Tous les écrits suivants font référence à l’Alsace. Ainsi, en 1539, un arbre est installé dans la cathédrale de Strasbourg et, en 1605, c’est à Strasbourg encore que cela se passe comme en atteste ce texte en vieil allemand : “Auff Weihnachten richtet man Dannenbäume zu Straßburg in den Stuben auf. Daran henket man Roßen auß vielfarbigem Papier geschnitten, Aepfel, Oblaten, Zischgold und Zucker“ (A Strasbourg, pour Noël, on installe un sapin dans la “stub“ – la pièce à vivre de la maison - . On le décore de roses en papier, de pommes, d’oublies, de feuilles d’or et de sucre). La coutume se répand rapidement ,au point de provoquer la colère de certains théologiens qui dénoncent ces pratiques païennes.
Le réveillon autour du sapin : une tradition alsacienne !
C’est à Goethe que l’on doit une large diffusion de cette coutume locale. Venu à Strasbourg en 1770 pour y poursuivre ses études de droits, il avait fait la connaissance de Frédérique Brion, la fille du pasteur de Sessenheim. Celle-ci l'invite pour le réveillon de Noël, réveillon qui le marquera au point de le mentionner son roman “Les souffrances du jeune Werther“ en 1774. Le roman connu un succès énorme dans toute l'Europe et déclencha un véritable phénomène de mode, qualifié de "fièvre werthérienne" : les hommes revêtaient la redingote bleue et le gilet jaune de Werther, les femmes adoptaient les robes roses et blanches de Charlotte (des couleurs conservées jusqu'à nos jours : bleu pour les garçons, rose pour les filles). A l'imitation du personnage principal, il y eut même une vague de suicides ! Rien d’étonnant alors que le réveillon soit également imité. Le phénomène était lancé.
En France, le premier sapin fut installé en 1837 aux Tuileries par Hélène de Mecklenburg-Schwerin, l’épouse de Ferdinand duc d’Orléans, héritier du trône de France, mais l’usage ne se développera qu’après 1870 avec l’immigration massive des Alsaciens quittant leur région annexée.
A partir de 1840, la coutume se développe en Angleterre, sous l’influence des allemands installés à la cour à la suite du mariage de la reine Victoria (elle-même de la famille de Hanovre) avec le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha qui fit installer le premier sapin au château de Windsor en 1841.
Aux Etats-Unis, la tradition s’est rapidement répandue grâce à l’importante immigration alsacienne et allemande.
En 1858, une grande sècheresse priva les Vosges du Nord de pommes. Selon la légende, un souffleur de verre du village de Goetzenbruck (près de Meisenthal, en Moselle) aurait alors eu l’idée de souffler quelques boules en verre. Il allait être à l'origine d'une tradition, faisant également des verreries de Meisenthal la référence mondiale absolue en matière de boules de Noël.
Aujourd’hui, qui pourrait imaginer un Noël sans sapin et un sapin sans boules ?