Décès d'Albert Lance
En 1967, le magazine “Life“ avait classé Albert Lance parmi les huit plus grands ténors au monde. Celui qui était considéré comme "le plus grand ténor australien de tous les temps" nous a quitté hier à l'âge de 86 ans. Les Strasbourgeois n'oublierons pas un des piliers de la troupe de l'Opéra du Rhin, de 1973 à 1977. C'est là que j'ai eu l'occasion de l'entendre dans ce qui devait être l'une de ses dernières apparitions sur scène, Ratan-Sen dans "Padmâvatî" de Roussel, en 1978.
Lancelot Albert Ingram est né le 12 juillet 1925 à Menindie en Australie. Dès l'enfance il chante au temple. Consciente de ses dons, sa mère lui fait étudier le chant qu'il poursuit au conservatoire de Melbourne. Durant 6 ans, il chante dans des cafés-concerts et des boîtes de nuit puis rejoint une célèbre troupe itinérante dont le directeur, Eric Edgley, l'envoie auditionner à l'Opéra de Melbourne. Il est immédiatement engagé et, un an plus tard (en 1950), fait ses débuts dans le rôle de Cavaradossi dans “Tosca”. Suivront “La Bohême” (Rodolfo), "Madama Butterfly” (Pinkerton) ainsi que "Les contes d'Hoffmann" lors d'une soirée de gala en l'honneur de la Reine en 1954. Et, brusquement, ce brillant début de carrière s'interrompt. Il est alors contraint de travailler en usine.
En 1955, il remporte une bourse lors d'un concours radiodiffusé. Il est également remarqué par Norma Gadsden (la première chanteuse australienne à avoir chanté à Bayreuth et épouse d'un célèbre professeur de chant, Dominique Modesti) qui l'emmène en France étudier auprès de son mari. Avec l'aide de celui-ci et de Simone Féjart, chef de chant de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux, il perfectionne sa technique et se constitue un répertoire (Mario Cavaradossi de "Tosca", Roméo de "Roméo et Juliette", Faust, Werther, Rodolfo de "La Bohême" et Pinkerton de "Madama Butterfly"). Il apprend également le français durant ces 16 mois. Alors qu'il envisage sérieusement de retourner en Australie tant que les restes de sa bourse le lui permettent encore, il se présente à une audition à l'Opéra-Comique où il est immédiatement engagé pour une représentation d'essai de Tosca. Le succès obtenu lui vaut une autre audition, à l'Opéra cette fois, où il est engagé pour Faust. Jusqu'à la dissolution de la troupe, il sera l'un des principaux titulaires de ces deux rôles dans ces deux théâtres.
En 1958, il est le partenaire de Régine Crespin dans "Un ballo in Maschera", de Maria Callas pour ses débuts à l'Opéra de Paris, et de Jane Rhodes pour l'entrée de "Carmen" à l'Opéra. La même année, il chante également avec Joan Sutherland à Londres (ce qui fait de lui l'un des cinq ténors à avoir chanté avec Sutherland et Callas).
Petit bémol dans la carrière d'Albert Lance, l'administration de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux ne lui accordera que rarement l'autorisation de se produire sur d'autres scènes : il se produira à Londres, San Francisco, Los Angeles, Philadelphie, Vienne, Buenos Aires, Rio de Janeiro, Leningrad, Moscou… mais pas à Milan qui, pourtant, le réclamait !
En 1967, il est naturalisé Français par le Général de Gaulle en personne.
En 1973, il fait partie des chanteurs de la défunte troupe de l'Opéra de Paris qui intègrent celle de l'Opéra du Rhin. Il restera à Strasbourg jusqu'en 1978, année de son retrait de la scène. Il se retire alors dans le sud de la France où il enseigne le chant pendant 19 ans au conservatoire de Nice puis à Antibes.
Après sa retraite, il s'installe à Colomars dans les Alpes-Maritimes et y fonde l'Albert Lance Lyric Company, une association qui produit des spectacles lyriques.
C'est dans cette ville qu'il est mort le 15 mai 2013.