Un concert d'erreurs !
Est-il si difficile de vérifier des informations ? Lorsque je lis certains magazines, j’hésite entre deux attitudes : m’arracher les cheveux ou m’écrouler de rire ! Mais comme je tiens aux premiers et qu’à mon âge je commence à avoir un peu de mal à me relever, je m’abstiens finalement et me contente d’un soupir navré ! Je fais ici référence aux articles consacrés à la musique classique en général et à l’opéra. Il y a là de quoi constituer un superbe bêtisier.
J’ai sous les yeux mon programme télé annonçant pour ce soir, sur France 3, un concert. Le titre : Nicolaï Lugansky par l’Orchestre philharmonique de Varsovie ! Dans le texte nous apprenons que « Le pianiste russe interprète les poèmes symphoniques “Tasso, Lamento e Triofo“ et “ Les Préludes” de Franz Liszt, puis le Concerto pour piano et orchestre n°2 en ut mineur, opus 18” de Rachmaninov ». Les amateurs apprécieront ! J
J’ai souvenir d’une autre perle, il y a quelques mois, un concert de l’Orchestre philharmonique de La Hague… La Hague est connue pour son usine de retraitement, pas pour son orchestre (s’il en existe un !). Il m’a quand même fallu un peu de temps pour réaliser qu’il s’agissait là du célèbre Orchestre de la Résidence de La Haye (Den Haag en néerlandais) qui, depuis quelque temps, porte également le nom (plus international) de The Hague Philharmonique, autrement dit (et en bon français) Philharmonique de La Haye ! Encore faut-il savoir que La Haye, Den Haag et The Hague sont les noms d’une seule et même ville ! Ce n’était visiblement pas le cas du rédacteur de l’article. Un rapide coup d’œil sur internet aurait permis d’éviter cette erreur. Quand je pense au temps que je passe pour vérifier les informations que je publie dans mon éphéméride musical !
Pour avoir, moi-même, travaillé dans un magazine où je supervisais les informations musicales, je ne jetterai pas la pierre aux seuls rédacteurs : les organisateurs et les agents ont également une lourde part de responsabilités. Imaginez ma surprise lorsqu’un jour, en relisant l’agenda des concerts, je découvre qu’un orchestre symphonique allait interpréter les Quatre Saisons de Verdi ! Informations transmise par l’administration de l’orchestre et qui figurait ainsi dans le programme. J’ai quand même pris sur moi de faire ajouter qu’il s’agissait du ballet du troisième acte des Vêpres siciliennes. Ou encore ce théâtre qui nous annonçait une représentation en tournée de ”Die Fledermaus” de Strauss en joignant un résumé dans lequel les personnages se nommaient Gaillardin, Duparquet, Caroline… au lieu de Eisenstein, Falke ou Rosalinde. Autrement dit les personnages de la version française. Alors “Die Fledermaus” ou “La Chauve-souris” ? Et ce n’est pas qu’un détail, surtout en Alsace où l’on préfère les versions originales. Le plus surprenant est que le théâtre en question n’était pas en mesure de donner la réponse. D’autant plus surprenant que la tournée s’effectuait essentiellement en Allemagne et que cette représentation était la seule incursion en France, ce qui ne permettait aucun doute. Encore une fois, j’ai modifié le texte en conséquence. J’ai également eu l’occasion de rapporter ici, il y a deux ou trois ans, ce programme de l’Opéra de Montréal présentant une reprise de la Tosca de Jean-Pierre Ponnelle et annonçant, dans la courte biographie du metteur en scène, que celui-ci venait de mettre scène les Noces de Figaro à Vienne et préparait un Barbier de Séville pour la Scala… 22 ans après son décès ! Même le très sérieux Opéra national du Rhin avait commis une petite erreur dans sa présentation du Bal masqué de Verdi, faisant de Riccardo un Grand d’Espagne. Mais, et là on ne peut que saluer la réactivité et la compétence de son service de presse, un simple coup de fil de la journaliste chargée de faire un reportage sur le sujet avait suffit pour qu’aussitôt l’erreur soit corrigée. Pour le coup, elle n’était pas due à un manque d’information, car il y a bien eu une série de représentations où le personnage principal n’était ni Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de Boston, ni le roi Gustave II de Suède mais le duc d’Olivarès, Grand d’Espagne : une exigence du ténor Mario !
Quant aux agents… Avec eux nous pénétrons parfois dans un monde parallèle peuplés de stars internationales qui ne se sont guère produites que dans des salles de patronage ! Alors que les grandes scènes lyriques désespèrent de pouvoir distribuer certains rôles par manque de voix, ce monde est peuplé de heldentenors et de grands sopranos dramatiques ! Dramatique est bien le mot, j’en ai fait (une seule fois, il ne faut quand même pas abuser) l’amère expérience : je n’avais jamais entendu quelque chose d’aussi dramatique : un immense vibrato d’où émergeait parfois quelque notes justes, une voix qui remplissait la salle de ses cris stridents, sorte de compris entre la Castafiore et une Florence Foster-Jenkins dans un mauvais jour… Je vous laisse imaginer.
Je sais bien que dans un magazine de télévision, ou grand public en général, les informations musicales n’intéressent qu’un nombre infime de lecteurs et que cela ne justifie pas l’emploi d’un rédacteur spécialisé, mais cela doit-il empêcher de vérifier l’information ou, tout simplement, de faire relire l’article par quelqu’un de compétent ?