La plus belle voix de France
Le 6 novembre 1975, une date marquante dans ma vie : mon premier opéra.
Je vivais alors à Colmar. Ma mère travaillait à l’Ecole Nationale de Musique et nous habitions dans un logement de fonction (une superbe maison à colombages du XVIème siècle) donnant sur la cour
de l’école. Ce soir-là je rentrais du collège quand, en traversant la cour, quelqu’un m’interpella. C’était la professeur de chant. Elle connaissait ma passion : je ne manquais aucune des
auditions de sa classe. Elle me demanda si j’allais voir Don Carlos. Surprise de ma part. Bizarrement, je n’avais jamais envisagé d’aller assister à une représentation alors que je ne manquais
aucune retransmission télévisée (il y en avait à l’époque). Et pourtant, Colmar faisait partie des villes membres de l’Opéra du Rhin qui bien que récemment créé s’était déjà hissé au rang des
plus grandes scènes européennes avec des distributions exceptionnelles.
Je rapportai cette discussion à ma mère qui me proposa de contacter le théâtre par la ligne directe pour voir s’il restait une place. Et ce soir-là, pour la première fois, je vis un opéra “en
vrai“, Don Carlo de Verdi dirigé par Alain Lombard avec Paul Plishka dans le rôle de Philippe II et Nadine Denize dans celui d’Eboli. Et là, je suis tombé sous le charme de la voix de cette
dernière, “la plus belle voix de France“ comme la qualifiait un critique.
Nadine Denize avait fait partie de la troupe de l’Opéra de Paris. Lorsque celle-ci fut démantelée, elle avait rejoint, avec quelques autres membres de cette troupe, celle de l’Opéra du Rhin.
Comme, suite à la révélation qu’avait été ce Don Carlo, je m’étais abonné, j’ai eu l’immense bonheur de la voir et de l’entendre à plusieurs reprises dans Parsifal (Kundry), Le Fou (Isadora), La
Damnation de Faust (Marguerite), Lohengrin (Ortrud), Werther (Charlotte)…
En 1976, elle chante le rôle de Néris aux côtés de la Médée de Leonie Rysanek à Arles. Le document n’est pas de très bonne qualité, mais c’est tout ce que j’ai trouvé.
Peu présente sur les autres scènes françaises (dans ces années-là, être français était un lourd handicap pour faire carrière en France), elle chantait sur les plus grandes scènes du monde qui
fêtaient l’une des plus grandes Eboli de sa génération, l’une des meilleures interprètes de Berlioz et une immense wagnérienne. Elle fut aussi un superbe Octavian du Rosenkavalier à l’Opéra de
Vienne, entre autres. Karajan lui confia Geneviève dans son Pelléas…
Autre époque… Les chanteuses lyriques n’étaient alors pas médiatisées comme peuvent l’être certaines aujourd’hui.
Il y eut toutefois une fugitive apparition à Aix-en-Provence : Teresa Berganza qui devait chanter Charlotte dans Werther, après avoir assurée toutes les répétitions ainsi que la générale
(enregistrée et diffusée à la télévision), déclara forfait à la veille de la première. C’est Nadine Denize qui fut appelée en catastrophe pour assurer les représentations.
Son retour à Paris se fit dans Eboli dans la version française de Don Carlos donnée en alternance avec le Don Carlo italien, sous la direction de Georges Prêtre. J’y étais !
Pour l’un de ses derniers enregistrements, elle est revenue à Strasbourg. Elle interprète le rôle de la Première Prieure dans la très belle version des Dialogues des Carmélites mise en scène par
Marthe Keller et dirigée par Jan Latham-Koenig avec Anne-Sophie Schmidt (Blanche de la Force), Valérie Millot (Madame Lidoine), Patricia Petibon (Soeur Constance), les choeurs de l’Opéra national
du Rhin et l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg.
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